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Sékou Ouédraogo, faiseur de "miracles" à 13 ans

 

 

 

Médecine traditionnelle : Sékou Ouédraogo, faiseur de "miracles" à 13 ans

 

Sékou Ouédraogo est un élève de la classe de CM2 à l'école de la Vallée du Kou « A », dans la commune rurale de Bama. Agé seulement de 13 ans, il est devenu en quelques jours, une véritable attraction et l'objet de tous les commentaires. En effet, après une longue maladie mystérieuse, cet enfant a développé depuis seulement trois semaines, un pouvoir de guérison miraculeuse. Désormais, c'est une foule immense de malades qui fait le siège du domicile familial, au cœur du quartier 4, contraignant ainsi le jeune élève à abandonner l'école pour être dorénavant au service des personnes malades.

 

 

 

Vendredi 2 juillet 2010, il est 7h30 mn à Bama, commune rurale située à 30 kilomètres de Bobo sur l'axe Bobo-Faramana. On croirait déjà à un dimanche, jour du marché hebdomadaire à la Vallée du Kou, tant l'affluence est grande. A l'extrême Nord du marché, une foule inhabituelle est rassemblée devant une cour d'habitation : les uns étant couchés sur des nattes et d'autres, assis sur des tabourets ou des morceaux de briques. Tous sont visiblement dans une posture d'attente.

 

Ce public que l'on peut estimer à deux cents personnes, est contenu dans un enclos de fortune, fait de piquets en bois et de cordons en nylon devant un portail bleu. A l'intérieur de l'enclos, des dizaines de canaris en terre cuite sont parsemés dans un cercle virtuel. Sur chaque canari, est marqué un signe d'identification porté par son propriétaire : un nom, un cordon, un numéro de téléphone ou même des inscriptions en arabe.

 

Dans ces canaris, repose l'espoir de recouvrer la santé de beaucoup de personnes qui sont venues en ce lieu, soit à pied, soit à vélo, à moto ou bien en voiture et ce, depuis les confins les plus reculés. Malgré les moustiques qui infestent la zone et au risque de se faire battre par la pluie, les malades et leurs accompagnateurs y passent la nuit, à la belle étoile. Chacun est préoccupé par la recherche de la guérison, pour soi-même ou pour un proche. C'est l'heure du petit déjeuner.

 

Quelques-uns d'entre eux mangent et devisent en aparté. Ce matin, une question taraude les visiteurs : « Où est l'enfant guérisseur ? ». L'un de ses proches, venu accueillir l'équipe de Sidwaya par curiosité, nous souffle à l'oreille que l'enfant dort encore et que « personne n'a le droit de le réveiller, sous peine de subir la colère des génies ».

 

Des génies ? Lorsque nous avons demandé s'il sera possible de nous entretenir avec le petit à son réveil, la réponse de notre vis-à-vis reste dubitative. Il a fini par nous renvoyer au père de l'enfant, mais celui-ci avait regagné son épicerie à 200 mètres, en bordure de l'axe Bobo-Faramana. En attendant donc le retour du papa, nous avons échangé avec quelques malades parmi lesquels des personnes âgées souffraient de malvoyance.

 

Certains sont las d'attendre. « Nous sommes ici depuis cinq jours sans espoir de repartir tout de suite », lâche avec regret Philipe Yanogo, un accompagnateur de malade. Une dame nous apprend par ailleurs qu'un Ghanéen est reparti la veille avec un canari de feuilles sauvages. Nous constatons au passage que tout un business s'est développé autour de la concession familiale de l'enfant guérisseur. Du petit étalagiste à la vendeuse de riz ou de haricot, en passant par la marchande de bouillie ou de canaris, chacun semble trouver son compte. Il est 8h15mn.

 

Tout d'un coup, une voix s'élève : « Le voilà ». La foule se dresse comme un seul homme court vers sa direction. C'est donc lui ! Le regard innocent mais l'air ferme, un enfant d'à peine un mètre traverse à pas feutrés, la barrière de fortune aménagée comme porte de sortie de l'enclos. Il est habillé d'un gilet blanc-sale flottant à 4 poches et d'un pantalon multicolore. Sans mot dire, il enfourche au hasard une moto dans le parking improvisé, démarre en trombe et s'éloigne de la foule. « Il va en brousse sur la colline, à 13 kilomètres pour consulter les génies, » indique un habitué des lieux.

 

Des propos démentis cinq minutes après, avec le retour de l'enfant. Caprices d'enfant ou guidé par les génies, il a l'air convivial. Sur la moto, il traverse la foule et pénètre dans la cour familiale. Il ressort quelques minutes après, traverse une fois de plus la foule et s'arrête devant une voiture 504 break. Il demande au chauffeur de le conduire sur la colline. Celui-ci ne semble pas vouloir obéir. Le petit lache prise et poursuit son chemin pour s'arrêter quelques mètres plus loin à la portière d'une Mercedes rouge.

 

Des feuilles et un œuf comme remèdes Le propriétaire est un certain Alobo Ouazahoun, employé de la SOFITEX Bobo. Il dit être sur les lieux depuis une semaine à cause de maux d'yeux dont il souffre depuis 10 ans. Lui accepte de conduire le guérisseur. L'enfant tourne et, d'un regard perdu, invite tous ceux qui ont des moyens de déplacement parmi la foule, à le suivre en brousse pour la récolte des plantes sauvages.

 

Alors que le cortège s'apprête à démarrer, le père de Sékou Ouédraogo (c'est le nom de l'enfant) nous interpelle pour un entretien à l'intérieur de la cour familiale. Il s'appelle Amidou Ouédraogo. C'est un agriculteur venu du Yatenga, installé depuis 30 ans à Bama. D'entrée de jeu, il pose ses conditions : pas de photos, pas d'enregistrements sonores, sans l'accord de son fils. Il nous apprend alors que tout est parti d'une maladie mystérieuse en avril 2010. Son fils Sékou, septième enfant d'une fratrie de treize, s'est toujours plaint de maux de ventre.

 

Son maître d'école, Déni Waka, parle plutôt de maladies diverses. Un soir, raconte son père, de retour de l'école, Sékou se tord de douleurs au ventre et est en larmes. Il est conduit au dispensaire. Vu son état, l'infirmier l'oriente immédiatement au CHUSS de Bobo-Dioulasso. Première surprise. Dans l'ambulance qui le conduit à l'hôpital, le papa constate que l'enfant n'a plus mal. Au CHUSS de Bobo-Dioulasso, les analyses médicales et l'échographie ne décèlent aucune pathologie.

 

Après deux jours de mise en observation, ils regagnent Bama. Une dizaine de jours après, même scénario, CSPS, CHUSS et retour à la maison. Le diagnostic reste négatif. Entre temps, le petit confie à son père que son mal ne peut pas être diagnostiqué par la médecine moderne parce que relevant de l'invisible. L'enfant est frappé subitement un jour de paralysie motrice et parle à peine.

 

Cette fois, la situation est plus alarmante. Plein de désespoir, le père ne sait plus à quel saint se vouer, malgré son aisance matérielle apparente. Il croit aux derniers jours de son fils. Il réunit alors ses proches et attend sans espoir. Une nuit, vers minuit, confie Amidou Ouédraogo, l'enfant réveille la famille. Il leur demande de réciter une sourate du Coran.

 

Ceux-ci s'exécutent et soudain, le malade retrouve la sensibilité de ses pieds. Ensuite, il les invite à en faire de même avec une autre sourate. Ses mains bougent. Troisième acte, il les invite à faire la « fathia ». Stupéfaction, il se dresse sur ses jambes. Ainsi commence, l'aventure mystérieuse de Sékou. A en croire son père, tout débuta véritablement le 21 juin. Ce jour-là, il demande à son père de construire pour lui, une maisonnette en seccos à la porte du domicile pour accueillir « ses étrangers ». Le père s'exécute.

 

« Les étrangers » sont censés venir le lendemain, mais seul l'enfant a le pouvoir de les voir et de s'entretenir avec eux. Par la suite, la famille reçoit la visite inopinée d'un homme et son épouse aveugle portée sur un vélo. Après un bref entretien, l'enfant, qui n'était plus régulier en classe, prend un œuf de poule, le frotte contre les yeux de la femme. Elle recouvre la vue, instantanément : un miracle est fait. Telle une traînée de poudre, la nouvelle se répand à Bama.

 

Le lendemain, jour de marché, explique son père, alors qu'il se trouve dans son épicerie, il apprend qu'une une foule immense a envahi son domicile. Il y accourt. Chacun veut voir l'enfant et lui soumettre son problème. Pris de panique, le père est obligé de faire sortir clandestinement l'enfant pour le cacher chez un parent dans un autre quartier.

 

Selon les témoignages recueillis sur place dont celui du maire, Siaka Sanou, le nombre de patients ne fait que grossir depuis ce jour. Si bien que l'enfant ira de lui-même, selon le commandant de la brigade de la gendarmerie de Bama, l'adjudant Réné Sanou, solliciter le déploiement des gendarmes pour le maintien de l'ordre. Une fois en brousse c'est le petit guérisseur qui prend la tête du groupe. Le regard fuyant, il marche et s'arrête par moment au milieu des plantes.

 

Un pouvoir surnaturel

 

Dès qu'il indique les feuilles à cueillir, ceux qui l'accompagnent se ruent. Il est 12h 25mn. Le cortège est de retour dans un vacarme indescriptible. Les feuilles sauvages dans une grande diversité sont visibles partout : sur des porte-bagages, dans des sacs, des mouchoirs et des pagnes ou simplement tenues en main.

 

"C'est vendredi, tout va se passer vite, car le guérisseur doit aller à la mosquée à 13 heures", nous apprend un vieil homme, assis à l'ombre d'une case. Aussitôt, un homme à la silhouette frêle, s'arrête à notre hauteur et demande : « Où est le journaliste ? Le guérisseur veut vous recevoir ». A-t-il été informé de notre présence ? Le mystère reste entier. Le portail vert s'ouvre et nous voici à l'intérieur. En lieu et place du petit, nous sommes en face de son père.

 

Il nous avise qu'il va consulter son fils d'abord pour savoir s'il consentira à nous recevoir ou non. De retour deux minutes après il lâche : « venez, il veut vous parler ». Notre étonnement est grand, car d'autres confrères qui avaient tenté jusque-là l'aventure se sont heurtés à un refus catégorique. Couché sur une natte au salon de la maison, il tient un tam-tam. A notre vue, l'enfant se met sur son séant. Nous lui demandons en français : « Comment vas-tu ? ». « Ça va », répond-il en se recouchant, le coude sur la natte.

 

Commence ainsi l'entretien. Il accepte la photo et l'enregistrement sonore. Bien qu'étant enfant, Sékou présente déjà un visage vieillissant. Une métamorphose qu'a constatée son directeur d'école et maître suppléant du CM2, Jean Dembélé. Sékou nous dévoile dans un mooré yadéga limpide, la source de son pouvoir et les maladies qu'il soigne. Il cite pêle-mêle les problèmes d'yeux, les maux de tête et diverses pathologies du ventre, du cœur, des reins et des pieds

 

 

Il prévient cependant qu'il ne peut pas tout soigner, surtout quand il s'agit de maladies chroniques, sans les citer. Si des témoignages en ville confirment la qualité des soins de l'enfant, son père est plutôt réservé : « Il vient de commencer et j'attends que les malades qui sont venus chercher le médicament reviennent témoigner de leur guérison ». Son remède, explique-t-il, est simple : il frotte les yeux malades avec un œuf et ceux-ci s'ouvrent.

 

Pour les autres maladies, il recommande aux malades de se laver et de boire une décoction de feuilles de plantes sauvages que ses génies lui ont prescrites. Avec la grande affluence des malades, il faut user de patience, car le guérisseur est le seul à mettre les feuilles dans les canaris. Il le fait, selon des témoins, après avoir marmonné des paroles en arabe dont lui seul connaît la portée.

 

En contrepartie, chaque patient paie 200F CFA comme frais de consultation. En plus, les femmes paient 220 F et un poulet et les hommes 165F et un poulet. Face aux difficultés d'acquisition de la volaille, un prix forfaitaire de 1000F est fixé pour le tout. Ces sommes collectées, témoigne l'enfant, sont utilisées pour aménager le site et satisfaire les petits besoins des nombreux bénévoles qui l'appuient dans sa tâche.

 

Une tâche qu'il mène sans privilégier quiconque puisque, selon lui, il est guidé par des forces invisibles. Quant à la provenance des malades, ils viennent, selon Sékou, de divers horizons du Burkina et même d'autres pays de la sous région (Côte-d'Ivoire, Ghana et Mali). A la question de savoir s'il va reprendre le chemin de l'école à la rentrée scolaire prochaine, l'enfant guérisseur nous renvoie la question : « Vous avez vu le monde dehors. Entre soigner ceux qui souffrent et aller à l'école. Que me conseillez-vous ? ».Pour toute réponse, nous disons « A vous de choisir ».

 

source lefaso

Frédéric OUEDRAOGO



08/07/2010

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