INFORMATION, CULTURE, DICTION, VALEURE MORALE AFRICAINE

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Cinquantenaire : cour d'histoire

 

"Si Ouagadougou m’était contée", tel était le titre d'une rubrique qui fut animé, voilà quelques années dans une colonnes, le Dr en archéologie Lassina Simporé. Un rendez-vous historico-culturel (architecture, institutions, monuments, grandes dates, etc.) sur ce qu’était la ville-capitale il y a des décennies. A l’occasion de la commémoration du cinquantenaire de l’indépendance du Burkina, il a bien voulu revenir sur quelques-uns de ces faits marquants.

 

Depuis la nuit des temps jusqu’à l’arrivée des Français (1896), la ville de Ouagadougou a été entre les mains de trois types de population : il s’agit, d’abord, des « gens d’avant », populations non encore identifiées qui habitaient le territoire de notre pays à l’âge de la pierre ; ensuite, de populations qui réclament l’autochtonie (Yonyonsé, Ninsi) ; et, enfin, des Moosé-nakomsé venus de Gambaga selon la légende de Yennenga.

 

Puis, vint la colonisation française qui s’est occupée de la ville entre 1897 et 1960. Pendant 63 ans, Ouagadougou a été tour à tour résidence du Mossi, chef-lieu du cercle de la colonie du Haut-Sénégal-Niger, capitale de la colonie de Haute-Volta (créée le 1er mars 1919), de la République de Haute-Volta. Son statut évoluera de la commune coloniale à la commune de plein exercice en passant par celui de commune mixte, etc.

 

De 1960 à nos jours, Ouagadougou est aux bons soins des Burkinabé. Que peut-on retenir de la gestion la ville-capitale par les Burkinabé depuis ces 50 dernières années ? Des changements à la tête de la ville au cours du cinquantenaire.

 

Il y a nécessité de rappeler que la vie politique de la Haute-Volta, puis du Burkina Faso a été marquée par plusieurs changements à la tête de l’Etat. Ces changements sont intervenus à Ouagadougou, en tout cas pour la phase d’exécution, par suite d’élections ou de coups d’État militaires : ainsi, tour à tour avant Blaise Compaoré, le pays a vu passer à sa tête Maurice Yaméogo, Sangoulé Lamizana, Saye Zerbo, Jean-Baptiste Ouédraogo et Thomas Sankara.

 

A l’image des changements intervenus au plus haut niveau de l’Etat, plusieurs personnalités se succéderont à la tête de la commune, soit au total 3 maires élus, 8 présidents de délégation spéciale, 9 hauts-commissaires ; sur la vingtaine, trois femmes seulement.

 

Evolution spatiale

Le colonisateur (1897-1960) aurait légué à l’Etat indépendant (Haute-Volta) une ville aménagée qui s’étendait sur 920 hectares en 1960. Entre 1960 et 1984, plus de 1040 ha supplémentaires ont été aménagés ; ce qui a porté à 1960 hectares la superficie totale, les quartiers d’habitat spontané (4 900 ha) non compris. Sous la révolution, avec le Programme populaire de développement (PPD), la ville a gagné 6000 autres hectares (64 000 parcelles loties) ; puis, en 1995, au moment où l’actuel conseil municipal entrait en fonction, la ville comptait 18 000 hectares, soit une superficie comparable à celle de Paris. Ce conseil a aussi dégagé pas moins de 205 423 parcelles.

 

Bref, en ce qui concerne la superficie (52 000 hectares), on peut faire les observations suivantes : Ouaga a quadruplé la sienne en 21 ans. Elle fait 1,3 fois Abidjan et 6,5 fois Cotonou. A ce rythme, Dapelgo et Saponé (30 km) Ziniaré (35 k) et Kokologo et Kombissiri à (45 km) pourraient être un jour des quartiers ou secteurs de la capitale si on laisse la ville s’étendre sauvagement.

 

Evolution démographique

 

Binger, de passage à Ouagadougou en 1888, avait estimé la population de la ville à 5000 habitants. 31 ans après, son compatriote Hesling, nommé gouverneur en 1919, avait dénombré 8000 habitants dont 76 Européens. Au moment de l’indépendance, Ouagadougou abritait 60 000 âmes. 15 ans après, on en était à 172 660. Ce chiffre a dépassé le million en 2006. Présentement près de 2 millions vivant quotidiennement dans la ville.

 

Quelques moments forts

Le bois de Boulogne de Ouaga Son titre foncier date de 1917. Il a été classé par arrêté n° 2346 du 9 octobre 1936 pour doter Ouagadougou de 260 hectares de lieu d’étude de la flore et d’agrément notamment avec des aménagements emblématiques : mare des amoureux, pont des soupirs, … mais, à un moment de son histoire, le bois de Boulogne était devenu une source d’insécurité pour la ville. Grâce à un projet initié en ...., le site, devenu Parc urbain Bangr-Wéogo, est redevenu un vrai poumon vert de la ville à côté des poumons blancs que sont les trois barrages.

 

Baloum naaba Tanga en France

En 1924 et 1926, le Baloum naaba Tanga représenta, à deux reprise, le Moogh naaba à des festivités en France (14-Juillet, 11-Novembre). Il fut le premier chef à autoriser le lotissement de son quartier (Bilbalgo) et inscrivit tous ses enfants à l’école. Son palais a servi, pendant longtemps, de cadre pour les recrutements militaires et scolaires ainsi que pour l’établissement des pièces d’état civil.

 

L’ambulance de Ouaga

Il ne s’agit pas de ce véhicule des sapeurs-pompiers et des centres de santé qui transporte des malade ; dans les années 1940, ce terme désignait le centre de santé qui était juste en dessous d’un hôpital. L’ambulance de Ouaga, qui se trouvait dans l’enceinte actuelle de la maison du Peuple, comportait plusieurs pavillons ; les coûts des soins variaient de 75 F pour la 5e catégorie à 750 pour la 1re, plus tard, l’ambulance de Ouaga a été transformée en hôpital secondaire, ancêtre de l’hôpital national, qui vit le jour en 1954 et fut baptisé en 1961 du nom de Yalgado Ouédraogo, ce médecin africain qui fut également président de l’Assemblée territoriale en avril 1957 pour à peine quatre mois, puisqu’il mourut accidentellement en juillet 1957.

 

Le grand deuil

 

16 septembre 1949. Ce jour là, la mort priva Ouagadougou de son tout premier vicaire apostolique en la personne de Mgr Joanny Thevenoud, surnommé « l’évêque du Mossi ». Ce Blanc, devenu un personnage du terroir (il habitait Ouaga depuis 46 ans), était l’initiateur d’un certain nombre de petites unités qui faisaient la fierté de la ville : école professionnelle, ateliers, filature ; et ce n’est pas tout, il y a aussi le petit séminaire de Pabré, la cathédrale de Ouaga, la congrégation des sœurs de l’Immaculée Conception, etc.

 

L’arrivée du train

Les rails étaient déjà là depuis octobre 1954. Les gens attendaient impatiemment de voir le type de véhicule qui allait rouler dessus. Cela arriva le 4 décembre ; sont descendus du train inaugural, lequel venait d’Abidjan, entre autres personnalités, Daniel Ouézzin Coulibaly et Félix Houphouët-Boigny. Ils ont été accueillis par Joseph Conombo, secrétaire d’Etat à l’intérieur dans le gouvernement Mendès France. Toutefois, on notait un absent de taille : Moogh naaba Koom, celui-là même qui a pesé de tout son poids pour que les rails soient prolongés de Bobo à Ouagadougou, mais qui s’était malheureusement éteint douze ans plus tôt, soit en 1942.

 

Les tout-premiers

• Le 1er château d’eau de Ouaga fut construit en 1954-1955 à Kamsonghin et trône toujours sur l’avenue Bassawarga ; la première salle de ciné, c’était 10 ans plus tôt en face du siège de l’ONATEL ; les PTT, c’était en 1923 sur le site présentement occupé par la justice militaire, et les premiers bacheliers « made in Haute-Volta » sont sortis en 1958 grâce à des correcteurs venus de l’étranger. Quid du Certificat d’études primaires indigènes, devenu plus tard Certificat d’études primaires élémentaires (CEPE) ? La toute première session eut lieu en 1913.

• Et la « caisse qui parle », c’est-à-dire la radio ? Le lancement des émissions de RHV, radiodiffusion de la Haute-Volta, eut lieu le 25 octobre 1959 de 19h à 20h avec cinq disques.

• 3 ans après, soit le 5 août 1963, les Ouagalais virent la télé au rythme de deux heures d’émission par jour, 6 jours sur 7. L’Etat avait acheté 70 récepteurs et les avait placés dans les lieux publics de la ville. Restons dans la presse ; mais, cette fois-ci, avec le tout premier journal de la ville, J.O. ou journal officiel qu’il s’appelait : il a paru le 15 octobre 1919.

 

L’avènement des secteurs

Les secteurs géographiques de la Révolution (1984) ne sont pas les tout premiers que Ouaga a connus : les premiers, en effet, datent de 1973 ; ils étaient au nombre de 10, et l’article 2 du décret les créant stipulait ceci : « Les quartiers conservent leur autonomie en tout ce qui n’est pas contraire aux dispositions du présent décret ». Aussi, seuls les techniciens savaient que la ville était « sectorisée ». La population continuait avec les Paspanga, Tiendpaologo, Gandin, etc. Les secteurs de la révolution, c’était autre chose, il fallait abandonner les toponymes et s’orienter avec des numéros ; d’où, même de nos jours, ces genres de question : Kalgondin, c’est dans quel secteur ? Le secteur 13, c’est où ? Ce qui est fort malheureux, car le secteur, entité purement administrative, ne saurait faire oublier, loin s’en faut, le quartier, formation historique et culturelle de premier choix.

 

Ces quartiers disparus

Au moment où nous célébrons le cinquantenaire, on ne devrait pas passer sous silence le fait que des quartiers sont disparus ou sont en passe de l’être à cause de nouveaux projets urbanistiques tels les cités an II, an III, an IV... et le projet ZACA ;on pourrait citer, à titre d’exemple : Bilbambili, Ipelcé , Tiendpaolgo, Zangouetên. Des sites et monuments meurent également à petit feu. Il faut trouver le moyen de ressusciter tous ces legs historiques et culturels de nos devanciers. A cet effet, la gestion du patrimoine culturel devrait rester au coeur des soucis de nos autorités communales.

Lassina Simporé Archéologue, Gestionnaire de patrimoine culturel immobilier Université de Ouagadougou


 

Ils se sont succédé à la tête de Ouaga

Conombo Joseph : maire 1960- nov. 1965 Ouédraogo Mathieu : PDS*, déc. 1965-jan.1966 Ouédraogo G. Charles : PDS, jan. 1966-sept.1967 Tiendrebéogo Didier : PDS, sept. 1967-mars 1976 Diallo André : PDS, mars 1976- fév. 1982 Aïssé Menssa : PDS, 1982-1983 Traoré Conomba : PDS, 1983-1984 Lompo Joséphine : PDS, 1984 Sawadogo Mahama : haut-commissaire, 1984-1985 Ilboudo Alain : haut-commissaire, 1985-1986 Lansomdé Jean-Baptiste : haut-commissaire, sept 1986- nov. 1987 Conombo Alfred : haut-commissaire, nov. 1987- 30 juin 1988 Ouédraogo Etienne : haut-commissaire, juin 1988- déc. 1989 Naré Boniface : haut-commissaire, déc. 1989-août 1990 Kpoda Véronique : haut-commissaire, août 1990- nov. 1991 Kabré T. Vincent : haut-commissaire, août 1990-1994 Ilboudo Emile : haut-commissaire, 1994 à 1995 Compaoré Simon : maire, 1995 à nos jours.

 

* PDS : Président de la délégation spéciale

L’Observateur Paalga



07/12/2010

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