INFORMATION, CULTURE, DICTION, VALEURE MORALE AFRICAINE

INFORMATION,  CULTURE,  DICTION,  VALEURE MORALE AFRICAINE

Les prohibitions matrimoniales chez les Gourmantché



Enumérons très rapidement les catégories de parents entre lesquelles le mariage est strictement et unanimement prohibé (au moins dans la région de Diapaga). En ce qui concerne le clan restreint d’Ego, nous avons vu que la règle d’exogamie ne souffrait aucune exception. La relation entre membres d’un même clan est jugée absolument incompatible avec la relation d’alliance (lityuatieli), et de nombreuses légendes rendent compte de la scission d’un obuolu, autrefois unifié en deux ibuoli restreints par un mariage (ou une union sexuelle) malencontreusement réalisé en son sein.



Les sanctions contre les transgressions d’interdits perdent aujourd’hui de leur sévérité et les règles de mariage se transforment graduellement. L’évolution en ce domaine se manifeste particulièrement dans les relations d’Ego avec I) les parents agnatiques de sa mère 2) les enfants des femmes appelées sœurs ou tantes (les bipwolimba). En théorie, le mariage avec toute femme du clan d’Ego (appelée kiyarga) est aussi strictement défendu que le mariage avec une femme de son propre clan.


Mais aujourd’hui apparaissent des dérogations à cette règle en proportion variable selon les régions. Dans le Gobnangou où les normes traditionnelles restent très vivaces, elles sont encore peu nombreuses. Nous n’avons repéré que quelques cas de mariage avec une « mère » ou « une sœur » et il s’agissait toujours avec des parentes très éloignées : l’épouse appartenait soit à un autre patrilignage maximal que celui de la mère du mari, soit avait pour mère une femme issue d’un autre patrilignage maximal que celui du mari. L’opinion publique se montrait très sévère dans les jugements qu’elle portait sur de pareilles unions.


Dans la région de Fada N’Gourma, beaucoup plus affectée par les changements économiques et sociaux survenus ces cinquante dernières années, les dérogations sont beaucoup plus nombreuses. Les vieillards déplorent qu’il y ait un nombre croissant de jeunes gens qui n’hésitent pas à se marier dans leur uyatiegu. Nous avons vu que le principe de l’inclusion dans une même catégorie terminologique de parents appartenant à des générations différentes ne s’applique pas seulement, dans cette société, aux parents agnatiques de la mère, mais également - bien qu’à un moindre degré – aux parents agnatiques des deux grand-mères : tous les membres du lignage de celle-ci (le clan n’est plus concerné), quelle que soit la génération où ils se situent, sont pour Ego des grands-parents : les hommes sont des biyadjamba et les femmes des biyamba. Inversement, Ego est pour eux un n’yabli.


Mais la reconnaissance de cette parenté n’a pas la même importance selon qu’il s’agit de la relation entre les parents (agnatiques) de la mère du père et les enfants des fils des femmes du lignage ou de la relation entre les parents (agnatiques) de la mère de la mère et les enfants des filles des femmes du lignage.

Dans le premier cas, elle entraîne l’interdiction du mariage avec toute ya (grand-mère) du lignage maximal de la mère du père (et inversement avec toute yabli issue d’une femme du même lignage maximal qu’Ego). Dans le second cas, l’interdit ne porte plus que sur les bibarsiaba de l’udiegu dont la mère de la mère était sortie (et inversement sur toute yabli issue d’une femme du même udiegu qu’Ego).


Dans la région de Diapaga et de Fada N’Gourma, les Gourmantché insistent beaucoup sur la différence des liens qui rattachent Ego aux parents agnatiques de ses deux grand-mères. Ils justifient principalement cette différence en termes religieux. Dans certaines circonstances, le géomancien pourra prescrire à un individu de faire un sacrifice auprès des ibuli des ancêtres paternels de la mère du père. Pour offrir un tel sacrifice, le yabli devra donc faire appel à l’onikpelo du lignage de son aïeule (onikpelo du patrilignage nucléaire, ou du patrilignage mineur, ou du patrilignage maximal). Les ancêtres paternels de la mère de la mère n’étant, par contre, jamais l’objet d’un culte, Ego n’a pas de lien rituel avec leurs descendants. De ce fait, disent les Gourmantché, les liens de parenté s’amenuisent et tendent à se réduire à des liens d’amitié.


Aux interdits portant sur les classes de parents que nous venons d’énumérer, il faut ajouter les interdits portant sur des parentes qui, bien que n’appartenant pas toutes à ces classes, sont néanmoins considérées comme trop proches pour être des épouses possibles. C’est ainsi que le fait d’avoir un arrière-grand-père commun est un obstacle au mariage. Il y a cependant une exception à cette règle : elle concerne les enfants des filles des filles et cet arrière-grand-père commun.


Les divers interdits exposés ci-dessus portent non seulement sur le mariage mais également sur les relations sexuelles. Cependant, en cas de transgression, la faute n’est pas considérée comme de même nature ou comme également grave dans tous les cas. Les Gourmantché distinguent deux grandes catégories d’interdits :I) ce qui est likuali ; notion déjà rencontrée et qu’on peut traduire par le terme « tabou », dont la violation peut attirer sur le coupable ou l’un de ses parents des châtiments d’ordre mystique ; 2) ce qui est tiachgendi : terme difficilement traduisible mais qui évoque un interdit dont la transgression est jugée si grave, du point de vue de l’ordre social, qu’on considère qu’elle doit être légalement sanctionnée (enchaînement, bastonnade, exclusion de la communauté).


Source : Michel Cartry

Par Bendré




05/05/2011
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Ces blogs de Actualités locales pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 15 autres membres