Ce rituel est immuable depuis des lustres ; il se tient tous les 3 ans. Son accomplissement est un devoir à la fois historique, culturel et social pour les forgerons eu égard à leur rôle historique dans le Moogho. La légende raconte qu’autrefois dans le Moogho, un monstre dévorait tous les 3 jours un sujet de Sa Majesté. Ce monstre troublait la quiétude des sujets, donnait du tournis à l’empereur, et les guerriers les plus vaillants, les chasseurs les plus téméraires ainsi que les charlatans les plus réputés du royaume, rien n’y fit, il continuait de faire une hécatombe. Alors après moult réflexions, le Wiid Naaba proposa à l’empereur de faire appel aux gens de Barama, village d’origine des forgerons.
Ces derniers lui demandèrent alors de leur permettre de convoyer des cailloux et des morceaux de fer afin d’installer leur forge. Dès que le monstre fit son apparition la nuit, les forgerons projetèrent contre lui une lance plongée pendant de longues heures dans un feu ardent. C’est ainsi que les braves forgerons parvinrent à débarrasser le Moogho de ce monstre cruel. Quelques jours après cet exploit, les forgerons demandèrent la permission à l’empereur de retourner dans leur village de Barama. Celui-ci leur opposa une fin de non-recevoir puis leur ordonna de rester à ses côtés pour parer à toute éventualité, car avec un monstre pareil, même donné pour mort, sait-on jamais.
C’est ainsi que les forgerons ont quitté Barama pour un autre village appelé Saaba (forgerons en mooré). C’est pour alimenter et entretenir le feu de la mystérieuse forge, qui se trouve quelque part dans le palais du Moogh Naaba, que les forgerons apportent du bois tous les 3 ans, depuis leur village, au palais impérial. Cette année encore, la mobilisation était de taille : en effet, notables, jeunes, hommes et femmes sont sortis massivement accompagner le Naaba Anbga de Saabin jusqu’au palais de Sa Majesté.
Habillés de tenues traditionnelles et sous escorte policière, ils ont quitté Saaba dès la première heure de la matinée avec des fagots de bois pour rallier la cour de Sa Majesté via le palais du Baloum Naaba. Finalement, c’est aux environs de 9 heures qu’ils arrivent chez le Baloum Naaba. Les artificiers ne sont pas en reste, ils saluent de fort belle manière l’arrivée des forgerons par des coups de fusils. En fait, l’escale chez ce ministre du Moogh Naaba est obligatoire, car c’est ce dernier qui doit les introduire auprès de l’empereur.
Le cortège emprunte alors l’avenue du Moogho Naaba Oubri pour se rendre chez sa majesté. Une fois au palais, c’est la liesse totale. Venues en grand nombre, les femmes entonnent des chants à la gloire de l’empereur, et les artificiers se font entendre comme jamais. Sa Majesté a salué le constant effort déployé par l’association des forgerons pour perpétuer la tradition. En outre, elle a apprécié la forte mobilisation des femmes et des jeunes à l’occasion de ce rite.
Que les forgerons pensent à des reboisements, et les générations futures pourraient perpétuer cette tradition.
Jean Stéphane Ouédraogo : Stagiaire
Source: L’Observateur Paalga
