INFORMATION, CULTURE, DICTION, VALEURE MORALE AFRICAINE

INFORMATION,  CULTURE,  DICTION,  VALEURE MORALE AFRICAINE

Industrie minière burkinabé : le filon du diable à l’horizon



Le secteur minier burkinabé commence silencieusement à sentir du roussi. Pillage, saccage, sit-in, persona non grata, … se multiplient à Essakane dans l’Oudalan, Inata dans le Soum, à Kalsaka dans le Yatenga, à Banouassi dans la Gnangna. Un sale temps souffle sur l’industrie minière burkinabé. Populations locales, travailleurs de mines modernes et orpailleurs se sont mis à contester, parfois violemment, un ordre établi dont ils ne semblent pas comprendre les tenants et les aboutissants. Ce qui a été présenté comme une lueur d’espoir pour le monde rural et ses millions de misérables tourne, peu à peu, au cauchemar sans que l’on ne s’y appesantisse. Comme la trahison du coton, la production aurifère risque aussi de jouer un mauvais tour à l’économie nationale et au bien-être des populations à la base. Avec une estimation de 33,74 tonnes d’or en 2011 soit une hausse de 32% par rapport à l’année précédente, le secteur devient très important et il faut rester vigilant et veiller au respect des engagements et normes.


Or, zinc, manganèse, …, les « Hommes intègres » se voient déjà revêtis d’une étoffe d’Etat minier. A qui profite ce boom ? « L’or oui, mais les populations d’abord ».

L’Etat brandit, à chaque contrat, des termes fiscaux tels que royalties, taxes et impôts pour démontrer que les finances publiques en profitent. Le pays se prépare, au son de tambour et trompette, à adhérer à l’Initiative de la transparence des industries extractives (ITIE). Mais à l’évidence, les labyrinthes et les filons cachent une toute autre réalité. « Ce que les yeux voient, point besoin de taper le sable pour s’en apercevoir », répondront les Yadsé aux Gourmantché devant une telle situation. Les mines modernes (Taparko, Kalsaka, Inata, Youga, Mana-Fobiri, Essakane) qui se sont ouvertes, une à une, sur toute l’étendue du territoire ne répondent pas franchement aux attentes nourries autour de ce boom. Elles ont certes créé des emplois, aménagé des ilots paradisiaques dans des localités défavorisées, tenté de jouer un rôle dans l’amélioration du contexte social des sites.


Mais « tout ce qui brille n’est pas de l’or ». Il n’y a qu’à voir les sentiers qui relient les chefs-lieux de province au sous-sol aurifié à ces nids à pognon, pour émettre des doutes sur la participation réelle à l’édification d’une économie locale fiable et durable. Les populations à la base sont toujours là à « quémander » un accompagnement qui paraît clairement consigné dans un cahier de charges comme un préalable.


Les alentours des mines modernes ne reflètent pas toujours les centaines de milliards F CFA brandis pour justifier la pertinence de leur construction. Ils sont nombreux les paysans qui ont déjà « avalé » leurs indemnisations par le biais d’inutilités et se trouvent maintenant, à pousser un haro sur une œuvre consacrée par leur Etat. Un cultivateur sans terre est voué à une torture certaine due au désœuvrement. Concilier cette donne socioéconomique avec les besoins réels des populations ainsi que ceux de leur collectivité dans le respect mutuel d’un partenariat aiderait à dissiper bien d’appréhensions et à établir un climat de confiance entre investisseurs et les habitants des zones d’installations minières modernes. Quant aux sites d’orpaillage, il faut l’avouer : ce sont des lieux « légaux » d’exploitation humaine, d’expression de la souffrance et de la misère dans tous ses états, de l’affirmation du désespoir d’une frange importante de la population, de la saga d’une race d’esclavagistes des temps nouveaux. Chaque éboulement est une occasion d’introspection et d’interrogation.


La force publique se montre très impuissante pour humaniser une activité et empêcher que ses milliers d’individus ne se transforment en loques humaines ou en individus pestilentiels. En cela, il faut saluer et encourager la dynamique préventive du tout nouveau ministre des Mines, Salif Lamoussa Kaboré, qui, désemparé par la mort de neuf (9) orpailleurs à Nébia dans le Sanguié, a pris, séance tenante, la décision de fermer, purement et simplement, ce site meurtrier. Malgré l’existence des textes règlementaires, le laxisme a trop causé des galeries de larmes au Sud-Ouest, au Nord, au Centre-Nord, etc. Le Code minier doit impérativement s’enrichir des préoccupations diverses sans cesse exprimées. Il est temps pour le gouvernement de se prévaloir d’un mécanisme pour réprimer le business inhumain qui se nourrit de l’orpaillage aveugle. Dégradant pour la nature, avilissant pour l’homme.


Qu’elle soit artisanale, semi-mécanisée ou moderne, le diable pourrait se cacher dans une exploitation inadéquate voire inadaptée et une mauvaise répartition des richesses du sous-sol. Quelle que soit la formule adoptée, des dessous subsistent. D’un côté, les populations et les travailleurs accusent le manque d’attention à leur égard. De l’autre côté, l’archaïsme des moyens de production provoque l’hécatombe de nombreux citoyens. Une sorte d’étau étouffe le désir du gouvernement de promouvoir pleinement des mines. Le Burkina Faso, qui ne peut encore se targuer d’être un bastion minier, doit œuvrer en sorte que l’or constitue l’un des leviers de son développement sans prendre le pas sur le ferment traditionnel de l’économie nationale, consacré en l’agriculture. Cela a été l’erreur commise avec le coton dont la vulgarisation, en tant que principale spéculation de rente emmenée par le plus sommet de l’Etat dans les années 1990, a compromis dangereusement les cultures céréalières et plongé dans une errance de nombreux producteurs.


Que l’or devienne, à tort ou à raison, le premier produit d’exportation du pays, il faut éviter de sombrer dans un narcissisme jaune sans fondement socioéconomique afférent. Encourager la diversité productive et permettre à l’économie nationale de s’épanouir. Car avant de crier victoire, seule la part contributive du secteur minier va convaincre va convaincre si les options prises à travers la Politique minière sont les bonnes. En même temps que l’on encourage une activité rentable pour le monde rural, il convient de rappeler le grand profit généré par les autres. C’est inacceptable que des bras valides continuent de s’autodétruire ou d’emprunter des trous de la mort au moment où leur pays injecte des milliards F CFA dans des aménagements agricoles et marchands. Toutes proportions gardées, la culture du sésame, par exemple, n’a rien à envier à l’orpaillage. En pleine quête de souveraineté alimentaire, il est à craindre que ces richesses du sous-sol qui se dévoilent maintenant ne parviennent à surclasser, subitement, les rendements agricoles sans que leur impact ne se ressente réellement sur le progrès national.


Tant que le boom minier ne contribuera pas à évacuer les goulots d’étrangement du développement burkinabé qui sont l’enclavement des zones rurales, le chômage, la faim, l’inaccessibilité aux services sociaux de base, ce sera encore un leurre à l’image de l’or blanc dont la révélation brusque du visage noir a failli étrangler le paysannat. D’ailleurs, sa relance se mène actuellement avec intelligence suivant de sages conseils de coupler les cultures : coton-céréales. Le cas de Poura est assez édifiant en ce qui concerne les mines. La mauvaise gestion a engendré une pétarade douloureuse en 1999 sur ce fleuron national de l’industrie minière. Laissant de profondes séquelles sur les centaines de travailleurs, les milliers d’habitants environnants et toute l’économie des Balé et au-delà. Les leçons de cette plaie économique et sociale, non encore pansée, se dresse pour éveiller les consciences et inspirer tout bon sens à l’exploitation, à la gestion et à la répartition de la manne du sous-sol.


Derrière l’or, se cachent de grands enjeux politique, économique et social qui commandent la prise d’un certain nombre de garanties. Il est nécessaire que son intérêt se bâtisse autour de relations honnêtes et sincères entre les différentes parties pour se répandre aux plans local, régional et national. Il faut songer, dès maintenant, à s’assurer de l’effectivité du respect des clauses, de la durabilité des investissements et de la pérennisation des acquis. Le signal donné à Inata, Kalsaka, Essakane et Banouassi aussi bien par les employés des mines que par les populations locales augure une prémonition à prendre au sérieux. Les négociations qui ont prévalu à la conclusion des contrats miniers ne doivent laisser aucune partie prenante sur le carreau. Un dialogue permanent et fructueux s’impose durant toute la vie de la mine pour asseoir un programme viable d’avant, pendant et après. S’en détourner serait offrir un terreau à toutes les incompréhensions avec les dérapages possibles.


S’il est opportun pour le gouvernement de susciter des partenariats en drainant des hommes d’affaires du domaine extractif pour actionner le développement, la responsabilité lui incombe d’user de son droit régalien pour s’assurer que l’après-signature tient aussi bien la route que le chemin et les pas qui ont guidé tout le processus du projet. Bien souvent, l’on en vient à oublier ses engagements quand l’affaire est dans la main. Voilà qu’après les 144 milliards F CFA empochés par le Trésor public et ONATEL tombé dans l’escarcelle de Maroc Telecom, acquéreurs, employés et usagers en sont à couteaux tirés autour de conditions de vie, de modernisation de l’outil de travail, d’expansion du réseau. Des préoccupations qui semblent résolues pour avoir constitué tout préalable à la conclusion de l’acte de cession. Dans un environnement national des affaires rassurant et reconnu par des instances internationales telles la Banque mondiale à travers son rapport « Doing Business », le Burkina Faso a l’obligation de veiller à ce que l’expansion de l’initiative privée et le printemps des Investissements directs étrangers (IDE) produisent le maximum d’effets escomptés sur sa marche vers le progrès.


Et le secteur minier se doit d’être encadré avec toute la précaution qui sied pour éviter que ses labyrinthes et ses filons n’engloutissent des ambitions et ne trahissent des espoirs. L’exploitation minière paraît revêtir cette devinette : « Les zones dont le sous-sol m’abrite ne sont pas celles qui profitent pleinement de moi. Les individus qui s’usent, à mourir, dans les trous pour m’avoir ne sont pas ceux qui s’enrichissent et jouissent réellement de moi. Ceux qui connaissent réellement mon importance, ma valeur et en sont capables de mettre le prix pour me dompter viennent de loin. Qui suis-je ? : l’OR » . Devant une telle énigme, des Africains proclament que le métal jaune est maudit. Alors qu’en réalité, l’or requiert délicatesse, sagesse et pleine conscience pour étouffer sa malédiction.


Dorcas Céleste KOIDIMA

Pour lefaso.net




19/05/2011

A découvrir aussi


Ces blogs de Actualités locales pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 15 autres membres