INFORMATION, CULTURE, DICTION, VALEURE MORALE AFRICAINE

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Filles de la rue, filles-mères : Des victimes de la société

Avec un taux d’accroissement global de la population qui est de 3,1% et une démographie caractérisée par 70% de jeunes, le Burkina Faso a une croissance démographique qui est étroitement liée à la fécondité. Les adolescents et les jeunes sont en partie à la base de ce phénomène social à travers des grossesses non désirées. De plus en plus, on rencontre des jeunes devenues des filles-mères (on les appelle les FM) dans les cités urbaines et sur les sites d’orpaillage. Quelles en sont les causes et les conséquences sur la vie de ces jeunes filles ? Comment organiser une prise en charge en vue de leur assurer une bonne situation sociale ? Que faire pour réduire ce phénomène de fille-mère qui va grandissant ? Un sujet sur lequel nous avons décidé de mener une enquête

Selon les résultats de l’enquête démographique au Burkina Faso, la population burkinabè est passée de 5 638 203 habitants en 1975 à 7 964 705 habitants en 1985. En 1996, elle était de 10 312 609 et depuis 2006 la population burkinabè est estimée à 14 017 262 habitants. Soit un taux d’accroissement intercensitaire qui a évolué entre 1975 et 1985 de 2,7%, puis 2,4% entre 1985 et 1996 et 3,1% entre 1996 et 2006. La croissance démographique qui est étroitement liée à la fécondité du reste très élevée au Burkina (6,8 enfants par femme en âge de procréer en 1996 contre 6,2 en 2006) semble ne pas respecter totalement la théorie de la transition démographique. Selon cette théorie de la transition démographique relevant de la théorie générale des modernisations, toute société humaine passe d’un régime démographique à mortalité et à fécondité élevées à un autre où la mortalité et la fécondité sont faibles. C’est le cas des pays développés où la baisse plus rapide de la mortalité dans un premier temps entraînant dans un second temps celle de la fécondité. Et parmi la population la frange où le taux de fécondité est le plus élevé, ce sont les adolescents et les jeunes.

Les filles-mères, victimes de phénomènes sociaux

Leur histoire commence le plus souvent par le rejet familial, la violence d’un conjoint remarié avec un des parents. Pour d’autres, la misère a simplement poussé les parents à envoyer leurs enfants gagner de l’argent ou à les confier à quelques connaissances aux intentions pas louables. Entre autres raisons, on pourrait aussi citer l’absence de dialogue entre parents et enfants dans les familles, la maltraitance familiale, l’exode rural. Livrées à elles-mêmes, la solution ne se fait pas attendre. Bien d’adolescentes et de jeunes tombent aujourd’hui enceinte de façon involontaire et/ou volontaire dans une moindre proportion. Elles se retrouvent dans la rue. Parmi elles, nous avons recueilli le témoignage de cette jeune fille que nous avons rencontrée dans l’une des rues de Ouagadougou. Timpoko Ouédraogo est une jeune fille de 17 ans qui a quitté sa famille dès l’âge de 8 ans. Interrogée sur les raisons qui l’ont poussée à quitter la famille, elle raconte ceci : « nous avions une marâtre qui avait des jumeaux.

Pendant le partage de l’héritage légué à mon oncle, sa part lui a été remise et elle est partie. Il restait notre part. Mon oncle ne me voulait pas chez lui. Les enfants de ma tante ont aussi refusé que je reste parce que l’héritage n’était pas avec eux. Aucune des deux familles ne voulait m’accueillir. Voilà pourquoi j’ai quitté la famille ». Timpoko devrait faire face à sa vie, se battre pour assurer son quotidien. Elle décida alors de chercher à travailler dans une famille comme domestique. Pendant 3 années de travail, elle n’était pas payée par son employeur. De mal en pis, sa situation la préoccupait davantage. La voilà dans la rue et sans- abri pendant 2 mois dormant ainsi sous des hangars et dans des bâtiments non achevés dans un quartier périphérique de la ville de Ouagadougou. Un jour, elle fit la connaissance d’un jeune homme. Et au fil du temps et de leur fréquentation, ils sont devenus des amis et Timpoko ira habiter chez son ami. Une amitié qui aboutira à une grossesse quand elle avait 15 ans. Suite à un accident subi par l’auteur de la grossesse, ce dernier lui avoua un jour qu’il ne pouvait plus s’occuper de sa santé et de la grossesse de Timpoko.

La voilà pour une seconde fois dans la rue et maintenant avec une situation beaucoup plus compliquée. Bébé dans les bras après son accouchement « personne ne voulait m’embaucher. Pas même pour laver des plats dans un restaurant », ajouta-t-elle. Désemparée, des amies l’ont conseillée d’aller en ville. « Elles m’ont montré où s’arrêter et comment faire pour gagner son pain », dira Timpoko. Dans la rue elle affrontera d’autres difficultés. « Les bandits nous frappaient et retiraient notre argent. Tout cela n’était pas grave. En ville les bandits m’ont violée. Et c’est après mon viol que j’ai connu Médecin sans frontières (MSF). MSF m’a aidée avec des produits que j’ai pris. C’est grâce à MSF que je n’ai pas eu le Sida », a laissé entendre Timpoko. Comme Timpoko, Adélaïde moins âgée avait 14 ans environ quand elle a eu son bébé. Adélaïde est une fille victime de l’infidélité de sa mère car elle n’est pas l’enfant du mari de celle-ci. Rejetée par la famille du conjoint de sa mère et son « beau-père » lui-même, elle élira domicile dans la rue.

Pour nous raconter comment elle est devenue mère à cet âge, elle dit ceci : « Je suis sortie errer dans la rue et un homme m’a rencontrée. Il m’a prise chez lui comme si j’étais sa sœur. Il m’aidait et rien ne me manquait chez lui. Je trouvais que mon ventre devenait gros. Je me suis rendue chez mes copines et je leur dis que mon ventre devenait gros. L’une de mes copines m’a dit que j’étais enceinte. Je lui ai demandé de m’aider à avorter. Elle m’a dit que la grossesse était avancée et que si j’avortais, je risquais de mourir. J’ai ainsi préféré renoncer et attendre. Je suis allée accoucher. Je ne savais pas comment m’occuper d’un enfant. Après, j’ai été chez mes oncles. Ils m’ont chassée. Je ne savais pas où rentrer avec mon bébé. Et MSF m’a conduite dans un centre (le centre SOS Fille/Mère) où on apprend la couture. Là-bas j’ai appris beaucoup d’autres choses. Je rends grâce à Dieu ». Dans la rue, où elles vivent dans la clandestinité, les jeunes filles sont exposées à toutes sortes de violence.

On peut citer l’exploitation sexuelle, les viols à répétition, les rackets, les séquestrations par leurs proxénètes et les rafles des policiers. Et Rasmata âgée de 16 ans de témoigner ceci : « Nous vivons dans un milieu très dangereux, beaucoup d’entre nous sont victimes de viols et sont violentées et rouées de coups par des racketteurs dans le seul but de nous soutirer une partie des bénéfices de la soirée ». Au niveau de leur santé, elles sont exposées aux maladies vénériennes comme les Infections sexuellement transmissibles (IST) et le Sida. Subissant parfois des problèmes psychologiques tels les traumatismes psychiques, le trouble comportemental, la mauvaise estime de soi, la narco-dépendance, etc. les filles-mères sont victimes d’une stigmatisation et connaissent aussi des fois des difficultés de réinsertion sociale. En effet, les filles-mères au Burkina Faso sont très mal vues et les familles préfèrent parfois laisser leur fille à la rue plutôt que de subir la honte d’avoir une fille-mère dans la famille. La jeune fille souffre alors d’un rejet à la fois familial et social et se retrouve seule et sans ressources avec son bébé.

La prise en charge : des efforts sont faits

En général, les travailleuses du sexe, quand elles sont majeures, bénéficient d’une prise en charge sanitaire adaptée à leur situation. Par contre, celle des mineures demeure confrontée à des difficultés. Stigmatisées, elles se voient refuser des fois l’accès aux structures sanitaires ou traitées de façon inappropriée à tous égards. Face à l’importance des besoins surtout médicaux des filles-mères vivant pour la plupart dans la rue, des associations et ONG ont pris l’engagement de s’investir dans la prise en charge de ces cas. Au centre SOS Fille/Mère, les jeunes filles et leurs bébés reçoivent l’attention et les soins dont elles ont besoin.

L’association prend en charge les frais médicaux des mères et des enfants, qui arrivent au centre souvent très affaiblis et malnutris. Mme Clarisse Ilboudo, présidente de l’association SOS Filles/Mère a également engagé une cuisinière pour que les jeunes filles puissent manger à leur faim tous les jours. Elle prépare également des bouillies nutritives pour les bébés, pour la plupart malades. Le centre étant relativement petit, les jeunes filles sont hébergées chez des tuteurs, ou dans leurs familles quand elles ont réussi à les réintégrer. En plus de ces services de première nécessité, l’association travaille à la réinsertion sociale et familiale de ces jeunes mères et de leurs bébés. L’association les accompagne dans leurs démarches administratives afin que mères et enfants puissent profiter de leurs droits de citoyens (acquisition d’une pièce d’Etat civil). Elle a également mis en place des ateliers de formation en couture, teinture, tissage et fabication de savon. Les matières premières nécessaires à ces formations sont assurées par le centre. Les produits créés par les jeunes filles sont vendus pour assurer une source de revenus stable pour le centre.

Pour innover, la présidente de SOS Fille/Mère a pris l’initiative de mener des formations de deux ans et de doter les jeunes filles de matériel à la fin de leur formation, afin qu’elles puissent démarrer immédiatement une activité rémunératrice. En outre, des formations en planification familiale et sur les moyens de contraception ont été dispensées aux jeunes filles, souvent ignorantes des risques qu’elles courent. Et Mme Ilboudo de souligner que l’information en matière de contraception ne circule pas suffisamment auprès de ces jeunes filles analphabètes, qui constituent pourtant une population à risque. A la Maison Carmen Kisito, située aux 1200 logements de Ouagadougou, C’est le même combat qui est mené en faveur de cette couche de jeunes et adolescentes victimes. On leur apprend à mieux se prendre en charge à travers des ateliers de formation en couture et autres activités. Leurs productions permettent au centre de mener des activités génératrices de revenus (AGR) afin de pouvoir assurer leur prise en charge.

Mettre l’accent sur la prévention

Pour apporter sa contribution à la recherche de solutions pour la réduction de ce phénomène social, les grossesses non désirées et les filles- mères, le Réseau africain jeunesse santé et développement au Burkina Faso (RAJS/BF) a initié une campagne dénommée « Talents de Jeunes ». C’est une campagne de communication pour le changement de comportement qui fait de la pair-éducation (des jeunes qui sensibilisent d’autres jeunes sur le sujet) sa stratégie fondamentale de sensibilisation et d’information. Des fora sont aussi organisés pour mobiliser les autorités gouvernementales, locales (coutumières, religieuses, militaires et paramilitaires), les parents et la population entière autour de ce fléau qui mine la vie des adolescents et des jeunes dans les différentes localités. « 

On retient à l’issue de ces fora pour le compte de l’édition de 2009 que les participants ont sollicité la tenue d’une assise nationale sur les grossesses précoces des adolescents et des jeunes. Cette assise nationale permettra d’acquérir une volonté politique capable d’accélérer la prévention en la matière », nous a confié le coordonnateur national du RAJS/BF, Bagnomboué Bakiono. C’est un combat que toutes les structures associatives, les ONG doivent prendre en compte dans leurs activités de sensibilisation pour réduire les cas de grossesse précocement connus par la frange la plus jeune de la population burkinabè.



09/11/2009

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