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Au royaume des chirurgiens racketteurs: CMA DE LEO

Les chirurgiens du centre médical avec antenne chirurgicale de Léo sont corrompus jusqu’aux os. Des malades sont obligés de payer doublement les frais médicaux pour espérer se faire opérer. Une triste réalité dont ces attachés de santé font pourtant leurs choux gras.

 

 

Courant août 2012 une situation de crise entre le médecin chef du district sanitaire de Léo dans la région du Centre-ouest et les anesthésistes du centre médical avec antenne chirurgicale à causé un dysfonctionnement du bloc opératoire du CMA de ladite ville. Aux dépens des usagers qui ont dû prendre leur mal en patience, avec tous les risques possibles, avant que la situation soit réglée. La crise était tellement vive qu’il a carrément fallu l’intervention du directeur régional de santé qui s’est vu obligé de parcourir des centaines de kilomètres, depuis Koudougou, de surcroît le jour de la fête de ramadan, pour venir asseoir les différents protagonistes, les entendre et tenter une médiation, pour que le bloc puisse fonctionner à nouveau.

 

De quoi en est-il question ? Il se trouve que depuis quelques jours les 4 attachés de santé officiant comme anesthésistes au CMA de Léo ainsi que leurs aides opérateurs, au nombre de 4 également, campaient sur leur refus radical d’opérer un patient, sans qu’il n’y ait l’assistance d’un médecin. Ce qui est normalement la règle en la matière. Mais l’on se doute bien que cela avait une autre visée qui suppose que le médecin, en l’occurrence le médecin chef de district, se dote d’un don d’ubiquité, de sorte à être partout à la fois, entre les travaux de l’administration et les interventions chirurgicales, sans oublier d’ailleurs que les interventions chirurgicales ne constituent pas que les seuls services offerts par le CMA.

 

Pourquoi donc ces anesthésistes qui depuis toujours ont travaillé sans forcément l’assistance de médecin, se décident de boycotter le travail ?

 

A l’origine de la mésentente entre le MCD et les anesthésistes, il y a une histoire de corruption ; une histoire de rackets de patients. Des pots de vin savamment entretenus, depuis longtemps par les anesthésistes du CMA de Léo à laquelle le MCD voudrait mettre fin. Mais, c’était sans savoir que ses collaborateurs du bloc opératoire ne toléreraient aucunement qu’il vienne « sabler leur couscous ».

 

Tout est parti d’un jeune homme accompagnant son parent qui souffrait de hernie et qui n’a pas voulu se faire abuser par les anesthésistes qui, en plus des frais normaux que le jeune homme avait précédemment payés à la caisse du CMA pour la prise en charge de son parent, lui exigeaient de payer d’autres frais indus, notamment la somme de 60 000 F CFA, avant toute intervention chirurgicale. Alors qu’il est clairement établi qu’au CMA de Léo, la somme à payer pour tout l’acte médical en ce qui concerne les cas de hernie (la prise en charge complète, aussi bien la consultation, l’intervention que l’hospitalisation, voulons-nous dire) ne doit excéder 10 000 F CFA, payables uniquement au niveau de la caisse de l’institution. Il faut noter que grâce à une mutuelle dénommée Sangadoua (entraide en gurunsi local), les frais médicaux ont connu une baisse considérable au niveau du district sanitaire de Léo ; d’où le tarif unique de 10 000 F CFA pour la prise en charge de la hernie, tandis que la césarienne, elle, est au frais de la princesse.

 

Hormis cela, il est formellement interdit aux personnels soignants dans les centres de santé de manipuler de l’argent sur le lieu de travail à la place des agents compétents chargés de gérer les finances. Cependant, les infirmiers et autres agents de santé au CMA de Léo semblent mépriser cette mesure. Par nous-mêmes, nous avons effectivement constaté des hommes en blouse blanche en train de payer des ordonnances à la place de certains patients ou bien de leurs accompagnants. Renseignement pris, il semble que ce système de racket est le fort même des infirmiers du CMA de Léo. L’on saluerait la servitude de ces agents de santé si toutefois il n’était pas admis des exonérations de frais d’ordonnance en leur faveur. Ainsi, un agent de santé qui est malade ou a un malade au sein de sa famille, bénéficie d’une réduction des frais médicaux. Dès lors, l’on comprend aisément pourquoi les personnels soignants du CMA de Léo n’hésitent pas à se porter volontaires pour faire les courses pour leurs patients, lesquels d’ailleurs ne manquent guère à leurs côtés d’accompagnants, utiles, justement pour ce genre de courses.

 

Revenons-en donc au jeune homme cité plus haut. Celui-ci, certainement très avisé sur le comportement peu orthodoxe des chirurgiens du CMA de Léo, s’est finalement résolu à recourir au médecin chef du district. Une dispute a donc éclaté entre le MCD et ses collaborateurs indélicats. Mais ces derniers n’ont pas apprécié les réprimandes du MCD qui, très remonté, ne s’est gêné outre mesure de leur faire perdre la face. Car cela s’est passé en présence même du plaignant en question. Au regard de ce qui précède, l’on comprend que la grève des anesthésistes est due à cette rixe où ils ont été sérieusement ridiculisés par leur supérieur.

 

Les rackets au sein du CMA de Léo ne sont un secret pour aucun des usagers de ce centre médical. La population de Léo ne cesse de grommeler cela. Une victime dont nous taisons le nom, parce que très proche du personnel médical, confie surtout que les populations n’ont pas tellement le choix. « Tu acceptes leurs conditions ou tu meurs, sans aucun soin. Gare à toi également si tu ébruites ce qui se passe là-bas. Sauf si jamais tu n’as plus à faire à eux ». Ce n’était pas la première fois que le MCD Yves Bélemsebgo se voyait obligé d’intervenir pour sauver des patients des activités criminelles de ses subordonnés. Précédemment, un instituteur N. Y. ainsi que cet autre monsieur venu de Koalga, localité située à une vingtaine de km à l’ouest de Léo, chacun accompagnant son père, ont également eu le salut grâce à l’intervention du MCD, mis au courant par l’entremise d’un autre agent du CMA, un chauffeur.

 

A chacun d’eux, les anesthésistes avaient exigé encore la somme de 60 000 F CFA, qui n’a rien à voir avec les frais légaux de 10 000 F CFA à payer la caisse du CMA. Bassaoulé Nala en a également vécu l’expérience avec son malade Mamadou Zogloua. Jusqu’aujourd’hui, Bassaoulé Nala ne s’en remet pas et raconte sa mésaventure : « Une fois, en avril, je suis allé au CMA avec un malade qui souffrait de la hernie. Avant même l’intervention, les anesthésistes m’ont proposé leur prix ; nous avons donc convenu de 60 000 F CFA. Cette somme prenait également en compte l’ordonnance médicale, m’ont-ils dit. Mais je savais d’avance que cela était archifaux. D’autant plus que précédemment, j’avais déjà amené un autre malade, du nom de Yaldia Nabon, à ce service et pour la même maladie. Ils m’avaient dit la même chose et n’ont pas respecté leur parole.

Seulement, je savais que j’étais obligé de payer, pour ne pas que les anesthésistes refusent de l’opérer ou ne s’occupent pas bien de mon malade. D’ailleurs, je me rappelle aussi que pendant que je discutais du prix que l’on m’avait proposé, un anesthésiste s’est même énervé. Il s’agit du vieux E. G.

 

Le lendemain nous sommes revenus payer la somme imposée par les anesthésistes. Mais quand ils ont terminé l’intervention, ils ne nous ont donné aucun médicament, contrairement à leur promesse de la veille. Nous avons donc été obligés de payer nous-mêmes les médicaments prescrits sur l’ordonnance qu’ils nous ont délivrée ».

 

Le mal est tellement propagé au sein du personnel du CMA de Léo que même les laborantins et le personnel d’appui comme les filles et garçons de salle n’en sont pas épargnés. « Avant d’intervenir sur Mamadou Zogloua, mon second malade, ils m’ont d’abord dit de l’amener au laboratoire pour une prise de sang. Là-bas, ils m’ont également demandé de payer de l’argent. Mais comme je voulais me rendre à la caisse pour me soumettre à leur suggestion, ils ont tout de suite refusé que ni moi ni mon malade sorte pour aller où que ce soit, en me disant que c’est à leur niveau qu’il fallait payer la somme, 4000 F CFA. Ayant compris leur manège, je leur ai dit que si c’est à l’intérieur du laboratoire que je dois payer l’argent et non à la caisse, il faudrait donc qu’ils me fasse une remise de la moitié des frais proposés.

 

Ils ont refusé et nous avons été obligés de payer les 4000 F CFA. Et c’est encore un anesthésiste, le nommé R. Z., qui était venu jusqu’au laboratoire pour nous refuser de nous rendre à la caisse », raconte toujours Bassaoulé Nala. Il poursuit : « Je me rappelle aussi qu’un garçon de salle, un certain S., m’a imposé de payer de l’eau de javel. Celui-ci a voulu me faire payer 2000 F CFA en prétextant que le stock offert par l’Etat était déjà terminé. C’est ainsi que j’ai préféré me rendre en ville pour acheter mon eau de javel. Là, j’ai acheté un flacon. Mais à mon retour au CMA, ils ont refusé le flacon. Finalement, je n’ai plus rien acheté ni avec les filles et garçons de salle ni dans une quelconque boutique en ville ».

 

Toujours au sujet de ces anesthésistes, il nous est revenu, lors de notre récent séjour à Léo, le lundi 3 septembre 2012, que ceux-ci ne séjournent plus désormais dans les locaux qui leur ont été affectés sur le site du CMA. L’avantage en cela est qu’en cas d’urgence, même tard dans la nuit, ils puissent intervenir rapidement. Mais, leur avidité est si poussée qu’ils préféreraient résider en ville, de sorte à pouvoir percevoir des indemnités de logement, en espèces sonnantes et trébuchantes. Au risque d’augmenter injustement les charges des chauffeurs qui doivent nécessairement tout faire pour les récupérer au plus vite, en cas d’urgence disions-nous, et les ramener à leur lieu de service. Pourtant, le district sanitaire de Léo offre plusieurs avantages aux agents de santé ; entre autres, des motivations financières, des bonus que ceux-ci perçoivent sur leurs salaires mensuels, chaque fois qu’un certain seuil de labeur est atteint.

 

Les problèmes, financiers surtout, sont si multiples au sein du CMA de Léo qu’il serait vraiment laborieux de les énumérer tous, de surcroît en seulement quelques pages d’un journal. La preuve est que même une caissière vient d’être mutée comme fille de salle, rien que le 16 août dernier. Tout simplement parce qu’un gros trou aurait été découvert dans ses recettes. Finalement, c’est le coordonnateur des services de soin Seydou Nikiéma qui occupe les locaux qui autrefois servaient de caisse. Et la caisse, elle, est désormais transférée auprès de la gestionnaire du dépôt pharmaceutique du CMA.

 

Lors de notre séjour à Léo, nous avons compris que la hernie était une maladie très répandue dans cette partie du Burkina. La mutuelle Sangadoua aurait été une initiative salvatrice pour endiguer quelque peu le phénomène, si toutefois des malades, ainsi qu’il nous est revenu, ne préféraient pas rester chez eux, supporter le mal, au risque même d’en mourir, faute de moyens financiers pour corrompre les chirurgiens, puisque c’est la règle

 

Par Lassina Fabrice SANOU

Source: Le Quotidien



07/09/2012

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